16 avril 2024

Le réchauffement est un arbre qui cache la forêt en flamme

Les partisans d’un déclenchement immédiat d’une décroissance volontaire basent désormais l’essentiel de leur argumentation sur l’idée que la société capitaliste croissante crée les conditions d’un réchauffement climatique fatal à l’espèce humaine, voire même à la planète (rien que ça !). Cette idée étant convertie en certitude incontestable grâce au consensus statutaire des membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) organisme onusien créé en 1998 mais réellement mis sur orbite en 1991 par Margaret Thatcher et Ronald Reagan dans le but de contrôler la climato-information au niveau mondial au détriment de toute autre source contradictoire. 

A l’heure où le GIEC vient de publier son dernier rapport et où les commentateurs patentés de la société de l’information traduisent l’inventaire de ses conclusions en fonction du message intelligible qu’ils souhaitent faire passer, il convient de faire un peu d’histoire, pour tenter d’y voir plus clair.

1991 – Implosion de l’Union Soviétique. Le capitalisme n’a plus d’adversaire politique ni de rival économique. Le libre échange devient le mode commercial unique et la croissance la pensée sociale unique. Seul subsiste un foyer de contestation issu des idées de mai 68, qui rejette le principe de la société de consommation en se fondant sur deux idéaux : l’agriculture biologique et l’anti-nucléaire.

Peu de temps auparavant (1988), est créé le Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) sur initiative de l’ONU et pour répondre aux incitations d’une science naissante dérivée de la météorologie la « climatologie ». Fondé par le météorologiste suédois Bert Bolin et le canadien Maurice Strong (aujourd’hui caché en Chine suite à son implication dans le scandale du détournement de fonds du programme Oil for Food), son objectif se définit rapidement par le souci d’efficacité médiatique et peut être résumé par cette phrase tiré de l’ouvrage de ce même Bolin, « A history of Science and Politis of Climate change (Cambridge University Presse 2007) »  : « Nous devons trouver entre nous (..les scientifiques du Giec) un terrain d’entente, un point commun, et au final, parler d’une seule voix. C’est la condition nécessaire si nous voulons avoir un impact sur le monde politique ». Le ton est donc clairement donné, c’est l’obligation du consensus, pas de voix discordantes, ni d’opinions controversées, avec pour but, un impact médiatique affirmé.

Le premier rapport du GIEC paraît en 1991 et trouve deux relais de poids en les personnes de Margaret Thatcher et Al Gore, respectivement premier ministre de la grande Bretagne et candidat à la vice-présidence des USA, toutes deux jugeant que les prévisions alarmistes du GIEC pouvaient être exploitées positivement par le système et ceci de deux façons complémentaires

Premier objectif : Récupérer l’agitation écologiste.

L’alarmisme sur le climat qui se révèle rencontrer un formidable écho dans le grand public, toujours sensible aux thèmes eschatologiques depuis l’Antiquité, va pouvoir reléguer ainsi au second rang l’anti-nucléaire et l’agriculture biologique. L’écologie, science étudiant les rapports entre les êtres vivants et leur environnement, va alors se transformer en mouvement politique intégré au système, l’écologisme, et œuvrer au service de la pensée unique capitaliste croissanciste mondiale pour tenter d’évacuer les deux thèmes de l’antinucléaire et de l’agriculture biologique au profit du thème dominant du réchauffement climatique. C’est ainsi que être écologiste devient synonyme de lutter contre le réchauffement climatique, et ceci avec deux conséquences :

1. Pour le nucléaire : l’industrie du nucléaire n’étant pas émettrice de CO2, elle devient donc recevable d’un point de vue écologique et les partis écologistes se mettent à accepter le nucléaire avec, en France des leaders comme N. Hulot et son éminence grise, JM Jancovici, écolonucléaristes convaincus. L’accident de Fukushima ne fut qu’un détail de l’histoire qui a contraint momentanément les écologistes à marquer une pause dans leur nucléarisation (pour cause d’opinion publique perturbée), mais aujourd’hui que l’oubli médiatique a fait son effet, ceux-ci redressent la tête et on constate que le nucléarisme a reprise sa marche en avant avec la bénédiction de tous les partis écologistes.

2. Pour l’agriculture biologique : la contestation de l’agriculture industrielle est une épine de taille dans le pied du capitaliste croissanciste, mais le réchauffement climatique vient au secours de ce dernier en minimisant ce problème par rapport à l’autre. Ainsi les dégâts putatifs attribués à l’agriculture intensive paraissent peu de chose par rapport aux cataclysmes certains engendrés par le réchauffement. En conséquence, les écologistes cessent pratiquement de s’intéresser à la question et évacuent le problème en catimini. Dans le projet EELV pompeusement dénommé « Vers une société écologiste » 80 lignes (ligne 410 à 490) à peine sur 3200 (soit 2,5%) sont consacrées à l’agriculture, et le problème est globalement réglé par l’aval donné au label AB, certification notoirement bidon, puisqu’il accepte une liste de plus de 1.000 intrants, alors que, par comparaison, les labels Lemaire-Boucher ou Nature & Progrès de 1970 n’en autorisaient qu’une dizaine.

Le premier objectif est donc atteint : l’agriculture biologique est canalisée dans le label AB et l’anti-nucléaire réduit aux oubliettes. Reste le deuxième !

Deuxième objectif : rentabiliser la lutte contre le carbone, sans entraver l’industrialisation.

Le capitalisme croissanciste adore les systèmes gagnant/gagnant et le business carbone en est un. Quelle est donc la situation ? Nos usines produisent du CO² qui réchauffe l’atmosphère ? C’est une aubaine, nous allons régler cela, et accroître nos revenus par la même occasion. Avec quel business plan ? C’est facile, écoutez bien :

Nous allons instituer une taxe carbone que payeront les consommateurs de produits fossiles, c’est à dire les automobilistes, camionneurs, etc…Ceci, bien sûr, ne fera pas diminuer d’un litre le pétrole consommé car nous calculerons la taxe ne façon à ce qu’elle ne soit pas dissuasive, juste un petit peu plus à payer, comme pour les cigarettes. Les gens râleront mais ils paieront !

Avec cet argent, plus un peu d’autre pris au contribuable ici et là, nous subventionneront des études d’impact carbone dans les usines. C’est à dire que des sociétés de conseils, adoubées par nous, vendront très cher des audits carbone à des industries qui seront obligées par la loi de les faire réaliser, mais à qui elles ne coûteront rien puisque qu’un organisme étatique leur remboursera intégralement leur coût. Cet organisme pourrait s’appeler, par exemple ADEME, et cette société de conseil pourrait s’appeler par exemple Carbone 4. Vous suivez?

En résumé cela donne : j’usine, je produit du CO², mes copains me vendent des audits carbone, cela ne me coûte rien, c’est le contribuable qui paie, mes copains se remplissent les poches et moi je continue à usiner. 

Mais il y a une suite : l’audit n’est qu’une première étape. Une fois le ppm carbone évalué, que fait-on ? On stoppe l’usine ? Pas du tout, la réponse des écolo capitalistes s’appelle séquestration. Donc, il n’est absolument pas question d’arrêter de brûler du pétrole, ou du charbon (d’autant que celui-ci va remplacer le pétrole d’ici 10 ans ), mais de construire des tuyaux qui capteront le gaz indésirable à la sortie de la cheminée d’évacuation et de l’enfouir bien profond dans le sous sol pour l’y confiner. Tous ces travaux seront bien entendu réalisés aux frais du contribuable, via un organisme subventionneur, tout en enrichissant au passage les sociétés capitalistes de fabrication de dispositifs de séquestration. 

Et il y a encore autre chose : le négoce des certificats d’émission carbone. Sans entrer dans le détail de ce dispositif à géométrie variable et différentielle selon les pays, il faut retenir son principe simplifié : celui qui produit moins de CO2 que la norme peut vendre à celui qui produit plus de CO2 que la norme, un droit produire du CO2. A partir de ce principe des bourses d’échanges sont créées (dont la première le fut à Chicago en 2003 par Al Gore et le sulfureux Maurice Strong, encore eux !) et les bons carbone sont alors négociés comme sur le Nasdaq, avec de sympathiques bénéfices pour les traders et autres conseils en placement. Un bon marché juteux pour les financiers ! 

Pour terminer ce panorama édifiant, refaisons un petit détour par l’agriculture biologique en indiquant que le réchauffisme conforte encore l’option industrielle de l’élevage dans la mesure où les tenants de cette théorie mettent en cause le dégagement de méthane (autre gaz à effet de serre) émis par les flatulences et les bouses de bovins comme participant au phénomène. Or l’élevage de plein air est un des piliers de l’agriculture traditionnelle dans le cadre d’un système polyculture élevage qui restitue au sol la matière organique dont il a besoin par le pâturage. Il devient dès lors tout à fait justifiable pour les éleveur industriels, de parquer leurs immenses troupeaux dans des locaux hermétiques dont les dégagements en méthane pourront être canalisés et séquestrés dans les profondeurs de l’écorce terrestre, tout cela bien sûr aux frais du contribuable, et pour le plus grand lucre des entreprises capitalistes de tuyauteries et de connivence. C’est ainsi que les milliards qui ont été distribués par les différents Etats pour alimenter ce business carbone, ne sont pas perdus pour tout le monde, même s’ils le sont probablement pour le climat qui, depuis 4,5 milliards d’années que la Terre existe, ne fait que changer en chaud et froid sans nous en demander l’autorisation.

Le plus tragique dans cette affaire est que les décroissants volontaristes ne se rendent même pas compte de la manipulation dont il sont l’objet. En se concentrant prioritairement sur le réchauffement climatique, ils s’engouffrent tout droit dans le leurre créé de toutes pièces par le capitalisme croissant pour qu’ils viennent s’y perdre corps et biens. Certains d’entre eux, pressentant confusément le risque de cette stratégie, ne parlent plus maintenant que de dérèglement dans une tentative dérisoire de distanciation avec le credo unique, mais cette gesticulation rectificative ne fait que les renvoyer vers le vieil adage populaire qui dit que le progrès détraque le temps et, de ce fait, affaiblit la crédibilité de leur discours.

Pour installer leur décroissance devant conduire à une croissance petit format qu’ils annoncent déjà comme devant être, celle-là, durable, les volontaristes devront par conséquent s’appuyer sur d’autres arguments, car celui-ci pourrait bientôt se retourner contre eux, dans la mesure où ils seront bientôt obligés de convenir que le réchauffement climatique n’est qu’une externalité négative de la croissance et pas une cause, et que leur lutte contre le réchauffement profite, au final, ……. à la croissance ! 

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