27 décembre 2024

A propos de la confusion (courante) entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif

Lorsque nous travaillons, en tant que parti politique (reconnu ou pas comme tel par l’administration nationale), à l’élaboration d’un programme (ou projet), l’une des erreurs méthodologiques les plus courantes consiste à ne pas distinguer clairement les propositions relevant du domaine législatif et celles relevant du domaine exécutif, c’est à dire confondre ces deux domaines et, finalement, considérer qu’ils ne font qu’un. Cette dérive du raisonnement est favorisée, il faut bien le reconnaître, par l’observation clinique du fonctionnement des institutions actuelles qui nous amène, s’y nous n’y prenons pas garde, à considérer qu’un commandement opérationnel, c’est à dire un acte du pouvoir exécutif, est de même nature qu’une règle abstraite, c’est à dire un acte du pouvoir législatif. Car en effet, l’une des principales propensions du pouvoir oligocratique est celle de chercher en permanence à concentrer les deux pouvoirs en une seule main.

Pour mieux comprendre l’importance de cette dualité législatif/exécutif, prenons un exemple volontairement simpliste : Supposons que le service public de l’équipement (pouvoir exécutif) décide de construire un pont urbain au dessus d’une rivière et répondant à certaines caractéristiques. Cette décision est un commandement opérationnel et ne peut être concrétisée que si la loi (pouvoir législatif) inscrite dans le code de l’urbanisme permet une telle opération. Dans le cas contraire, le pont ne pourra pas être construit. Si tel est le cas, que se passe-t-il dans le système actuel ? Eh bien, c’est très simple : le pouvoir exécutif, qui, en réalité, possède le contrôle du pouvoir législatif (cette affirmation peut être facilement démontrée par une analyse critique détaillée de la constitution, mais que nous n’entreprendrons pas dans le cadre de cette communication), fait modifier la loi et le pont pourra alors être construit.

Le débat sur le nucléaire, par exemple,  n’échappe pas à cette confusion des genres. Car la question n’est pas, en réalité, de savoir ce que ferait (ou fera) un gouvernement futur, mais la question est de savoir ce que le corpus législatif (dont au premier chef la constitution) lui permettrait de faire ou de ne pas faire. C’est ainsi que le Parti pour l’après croissance (PPAC) a choisi de fonder son programme sur un train de révisions constitutionnelles et de modifications des codes juridiques, c’est à dire d’élaborer et de proposer un programme uniquement législatif. Cette option fondamentale signifie que ce Programme pour une société de l’après croissance n’intègre pas (ou ne présume pas de) l’exécution de tel ou tel commandement opérationnel des services de l’Etat, autrement dit de telle ou telle décision du pouvoir exécutif.

Ceci ne veut pas dire que nous ne devrions pas nous y intéresser et, par voie de conséquence, élaborer éventuellement un deuxième programme (ou un ajout au programme initial), cet ajout étant alors de nature exclusivement exécutive, c’est à dire prévoyant telle ou telle mesure à prendre par tel ou tel service de l’Etat (le ministère de l’énergie, par exemple dans le domaine du nucléaire). Ce travail reste à faire. Il nous appartiendra d’en décider ou de nous en tenir à un programme strictement législatif.

Plus précisément et pour reprendre l’exemple du nucléaire afin de bien fixer les idées, nous avons convenu d’établir une règle constitutionnelle (donc très difficilement modifiable) pour décider de la poursuite ou pas de l’industrie nucléaire. Par contre, il n’entre pas dans la vocation de la constitution révisée de déterminer les caractéristiques techniques détaillées d’un éventuel calendrier de fermeture des centrales, ni du niveau d’un éventuel maintien, pas plus que des précisions sur le remplacement putatif du nombre de térawattheures issus du nucléaire par d’autres térawattheures issus de telle ou telle autre source d’énergie, car, conformément à ce qui vient d’être dit, ce type de décision relèvera typiquement d’un exécutif contraint par des dispositions législatives (et même plus, constitutionnelles) spécifiques.

Cette confusion sévit également de façon récurrente en tant que fondement de la plupart des critiques qui nous sont adressées sur le volet « démocratie directe » de notre programme. Lorsque nos contradicteurs mettent en avant la supposée non-faisabilité technique de la démocratie directe au prétexte qu’un gestionnaire politique doit prendre des dizaines de décision par jour qui ne peuvent être co-construites en permanence avec le peuple tout entier, ces contradicteurs confondent encore (et toujours) actes législatifs et actes exécutifs. Car ces fameuses « décisions » qui, d’après eux, ne peuvent pas être prises en démocratie directe, ne sont en réalité que des décisions exécutives qui n’entrent pas dans le champ considéré. Car il convient de rappeler encore une fois que la vraie démocratie directe, c’est l’exercice du pouvoir suprême exclusivement par le peuple, mais que le pouvoir suprême c’est le pouvoir législatif, et uniquement le pouvoir législatif, l’exécutif n’étant qu’une fonction (et pas un pouvoir au sens strict) et ne relevant pas directement du peuple pour sa mise en oeuvre.

Il y a également un autre point très important à prendre en considération lors de tout débat autour du Programme pour une société de l’après croissance : c’est le fait que ce programme constitue un tout et qu’on ne saurait anticiper les effets particuliers de telle ou telle disposition énoncée sans prendre en compte la modification du contexte global généré par l’addition de toutes les autres mesures. Cette erreur méthodologique consiste également à tenter de prévoir les effets de telle mesure particulière en la projetant dans le système tel qu’il existe actuellement sans qu’il ait été modifié auparavant par toutes les autres.

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