Pour une mise en accusation de cette procédure élective au motif de sa non-conformité constitutionnelle et de son manquement à l’éthique démocratique française
Le grand cirque de la collecte des parrainages qui doit nécessairement être réalisé par le biais d’un démarchage de type commercial auprès de 40.000 grands électeurs (maires principalement) est-il compatible avec l’éthique démocratique de la nation française, ou encore plus précisément, est-il conforme aux principes énoncés dans la constitution de 1958 ?
Hormis les champions des quatre poids lourds de la vie politique politicienne que sont le PS, LREM, LR et le PC (chacun pour des raisons historiques ou stratégiques spécifiques) tous les autres candidats sont actuellement confrontés à cette problématique bien réelle. Avant de répondre à cette question, il convient tout d’abord de rappeler que la règle de pré-sélection de candidats au 1er tour de l’élection présidentielle n’émane pas d’une prescription constitutionnelle, mais d’une simple loi de rang inférieur relative au code électoral, qui n’est que l’un des 74 codes juridiques réglementant le fonctionnement de la collectivité nationale au travers des 140.000 règles coercitives qu’ils énoncent. Il faut également rappeler que cette règle a été modifiée plusieurs fois depuis 1962 selon plusieurs péripéties décrites en détail dans l’article La honte démocratique des 500 signatures, mais à chaque fois selon des procédures confidentielles desquelles le peuple était naturellement exclu.
A titre d’illustration de cette problématique de la chasse aux parrainages, j’ai, en tant que candidat du PPAC (Parti pour l’après croissance), envoyé un courriel aux 36.000 maires et 577 députés de France comprenant une demande de parrainage argumentée, accompagné d’une profession de foi (format A4 simple), d’un programme résumé (format A4 double) et d’un programme complet (65 pages A4).
Confiant dans l’alinéa 3 de l’article 4 de la constitution de 1958 qui garantit « les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation« , je pensais naïvement que cette démarche devait suffire, et le que ce collège restreint investi de la mission suprême de choisir les citoyens aptes à concourir pour l’élection présidentielle avait bien évidemment obligation de consulter toutes les candidatures, voire obligation de parrainer l’une ou l’autre, ces conditions paraissant évidentes dans un système se prétendant réellement démocratique.
Or, l’expérience concrète prouve qu’il n’en est rien et qu’une infime minorité de maires se donnent la peine de consulter les documents de propagande des postulants à la candidature, une minorité encore plus infime se donnant la peine d’en accuser réception. A noter également qu’une quantité non négligeable d’entre eux signifie qu’elle ne souhaite pas être dérangée et classe ces envois dans les courriers indésirables. Nous considérons que ces comportements constituent la preuve de la carence démocratique de l’élection présidentielle et discréditent ainsi la procédure dans son ensemble.
Une conclusion plus circonstanciée est qu’il ne faut pas compter sur les maires de France pour aider à l’application de l’article 4 de la constitution et garantir les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation« . En réalité l’histoire nous a montré, depuis la chute de la monarchie absolue en 1789, que l’oligocratie marchande installée au pouvoir n’a jamais cessé de contrer l’aspiration démocratique des acteurs de la révolution en élaborant des subterfuges toujours plus insidieux pour étouffer l’expression pluraliste sous le joug d’une pensée unique et dominante, trahissant ainsi en permanence l’idéal démocratique originel et le travestissant sous le couvert d’une fausse démocratie.
Cette pluralité pourtant garantie dans la constitution actuelle par le biais d’un article que les maitres du pouvoir feignent d’ignorer, pourrait facilement s’exprimer à travers une plate-forme dédiée où chaque candidat pourrait déposer librement et gratuitement ses documents de propagande, avec obligation pour les grands électeurs de la consulter et d’y choisir un candidat, toute autre forme de publicité étant interdite par ailleurs.
En poussant encore plus loin la démarche démocratique nous pourrions imaginer que cette plate-forme soit publique, et que la pré-sélection soit opérée par le peuple tout entier au lieu qu’elle le soit par un collège restreint. Il convient de remarquer que ce dernier dispositif est tout simplement celui préconisé dans le programme du PPAC : le Programme pour une société de l’après croissance.
Pour l’immédiat, il est bien évident que ces propositions n’ont aucune chance d’être retenues, et il apparaît dès lors largement plus productif d’engager un procès populaire de cette élection présidentielle plutôt que de s’épuiser dans une démarche de révision de la loi électorale qui irait en sens inverse des intérêts de ceux qui seraient appelés à en décider.
Exposé des faits
Les caractéristiques générales du président de la république sont définies par le Titre II de la constitution . Seuls les articles 5 et 6 concernent son élection :
ARTICLE 5. Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique
ARTICLE 6. Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés.
En première analyse, nous retiendrons les 2 éléments suivants :
- Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
Commentaire : il n’est pas fait état de pré-sélection par un collège restreint, dispositif qui confère objectivement un caractère indirect au scrutin. Ce mode de scrutin n’est donc pas conforme à l’esprit de la constitution. - Les modalités d’application du présent article (article 6) sont fixées par une loi organique
Commentaire : voici typiquement le piège bien connu du rédacteur constitutionnel bourgeois (Marx dirait : la vieille plaisanterie). Le système fallacieux des lois organiques (pour la constitution) et des décrets d’application (pour les lois ordinaires) doit, au passage être dénoncé, car il pervertit la nature démocratique et la transparence de la fonction législative. C’est ainsi que la constitution, par exemple, peut être modifiée sur un point fondamental par l’assemblée nationale sous le couvert d’une loi organique, sans passer par une procédure de modification de la constitution. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé pour les diverses évolutions de la loi électorale présidentielle (1962, 1976, 2016) qui ont ôté à l’élection présidentielle le caractère de suffrage universel direct prévu par la constitution.
Chefs d’accusation
- Non constitutionnalité de la loi électorale présidentielle (analyse juridique)
- Comportement des grands électeurs (connivence, responsabilité, formation)
- Suffrage censitaire contraire à l’éthique démocratique de la nation français, tel qu’issu de la révolution de 1789 et énoncé dans la déclaration de droits de l’homme et du citoyen, partie intégrante de la constitution de 1958