Lorsque vous posez à l’homme de la rue la question de savoir comment, à son avis, les voitures et les camions circuleront lorsque le pétrole sera épuisé, il est bien rare que celui-ci fasse montre d’une inquiétude quelconque. Le discours des croissancistes, qui relaye comme à l’accoutumé celui des industriels fédérant leur communication sur la planètopréservation et la durabilocroissance, est parfaitement implanté dans le subconscient des masses et la réponse fuse tel un obus : avec l’électricité !
La cause est donc entendue et il semblerait que allions donc, sous peu, assister à la disparition des pots d’échappement sous les voitures légères, semi remorques, bulldozer, tracteurs agricoles, moissonneuse batteuses, etc… et à l’avènement de minuscules batteries et moteurs électriques – car le génie miniaturisant de l’homme est sans limite – tout aussi efficaces que le bazar de Monsieur Papin , non polluantes et peu gourmandes en puissance électrologique. Face à cette certitude quasi biblique, rien ne sert d’émettre le moindre doute car vous seriez immédiatement renvoyé dans vos buts par l’indiscutable argument de l’existence prouvée des véhicules hybrides et même tout-électriques apparaissant désormais au grand jour, accompagnés de publicités tapageuses et de relais médiatiques appuyés, et ne devant pas fléchir dans l’acquisition croissante de leurs parts de marché. Les individus les plus instruits doteraient même leur affirmations d’un appui surérogatoire en évoquant des horizons néo-combustibles à base de biomasse, terme acceptant des déclinaisons diverses telles biocarburant, agrocombustible, diester, éthanol, etc… et pouvant utilement dépanner le transport aérien à propos duquel, et en dépit de l’agitation médiatique autour du gadget Solar Impulse, peu de gens croient en un avenir fondé sur le réacteur électrique. Car il subsiste, quand même, un petit peu de raison dans cette nouvelle religion…..
En résumé, tout ce qui fonctionne aujourd’hui au pétrole fonctionnera demain soit à l’électricité renouvelable, soit au jus de carotte fermenté. C’est le mensonge et le rêve réunis dans le grand gala comique permanent des croissancistes convaincus. Il convient toutefois de rendre hommage à quelques individus lucides qui se désolidarisent en catimini (logique électorale oblige !) de ce concert navrant, tel l’ex-EELV hétérodoxe Yves Cochet qui distille subrepticement aux heures de faible écoute et sur des chaînes confidentielles l’idée rafraîchissante que le véhicule électrique n’a pas d’avenir, et ce non pour des raisons liées à sa volonté de sortir du nucléaire, mais pour de bonnes et simples raisons techniques et économiques que nous aurons l’occasion de détailler plus loin.
Par ailleurs et contrairement à ce que veulent nous faire croire les camelots de la croissance durable, le véhicule électrique n’est pas une nouveauté ! Il est même historiquement antérieur au véhicule explosion, le premier véhicule électrique datant en effet de 1834 (le train électrique de Thomas Davenport) alors que la première voiture propulsée par un moteur à combustion interne de Karl Benz date de 1889. A cette même date, la voiture électrique La Jamais Contente de l’ingénieur belge Camille Jenatzy dépassait pour la première fois le 100 km/h, et en 1900, sur 4.192 véhicules fabriquées aux États-Unis, 1.575 étaient électriques contre 936 à essence (le reste étant à vapeur). La suprématie du véhicule électrique était donc avérée au début du 20ème siècle avant que le véhicule à essence ne supplante définitivement son rival conjointement au développement de l’extraction pétrolifère et affirme son succès grâce à ses meilleures qualités techniques et économiques.
Il apparaît donc particulièrement inexact de présenter la voiture électrique comme l’avenir pour la mobilité terrestre de l’homme alors qu’elle ne constitue ni plus ni moins que son passé. Comme pour le soleil et le vent, les croissancistes convaincus nous présentent des technologies toutes empreintes d’échec historique pour assurer la relève de l’après fossile ce qui ne fait que compléter leur imposture dans les autres domaines.
Mais le mensonge porte aussi sur les applications de ce véhicule de l’avenir. Si nous pouvons raisonnablement admettre que de futures voitures urbaines de puissance réduite et à faible rayon d’action puissent être équipées de moteurs électriques, ce qui ne constituerait d’ailleurs pas une nouveauté puisque les années soixante avaient déjà vu un regain d’intérêt pour ce mode de propulsion avec des petits véhicules de livraisons interurbains (dont certains se souviennent encore), la généralisation de ce système aux transports routiers, à l’agriculture ou au BTP relève véritablement du songe éveillé qu’aucun élément tangible à ce jour ne vient conforter.
La mythomanie populaire concernant le véhicule électrique est toutefois tellement puissante qu’elle dispense les vendeurs de rêve de clarifier plus avant leurs propositions pour ces secteurs vitaux de l’économie. C’est ainsi que les baraquins du développement durable peuvent tranquillement entretenir le flou sur le sujet, évitant de citer précisément le type d’énergie future dévolue aux semi remorques internationaux, aux engins de travaux publics et aux machines agricoles.
Ce n’est qu’après avoir été mis au pied du mur par quelques sceptiques suffisamment informés qu’ils conviendront que la traction électrique n’est pas adaptée aux engins mobiles et que, si d’énormes machines industrielles alimentée en continu peuvent faire fonctionner des usines à poste fixe, les véhicules de déplacement sont confrontés aux difficultés de stockage de l’électricité et à la faible puissances des accumulateurs. Reste alors pour eux à ressortir de leur chapeau avec la même technique éculée, une vieillerie technologique exhumée des temps anciens : le carburant végétal.
En effet, de même que pour les ressources primaires renouvelables, les biocarburants ne constituent pas une véritable innovation puisque l’obtention d’alcool à partir de céréales, fruits, racines ou légumes est pratiquée depuis fort longtemps et, de même que pour ce qui concerne la fabrication de l’électricité, on peut se demander pourquoi cette technique n’a pas été employée plus tôt, alors qu’il eut été aisé de développer des moteurs à alcool obtenu à partir de jus de betterave ou de macérats de blé, plutôt que d’aller creuser des trous sous les crottes des chameaux des tribus nomades pour en extraire un horrible liquide noirâtre et visqueux? Un idiot répondrait à cette question en suggérant que c’est précisément parce qu’on n’avait pas de pétrole pour faire fonctionner les distilleries, mais ce serait bien sûr une réponse idiote. Un imbécile rétorquerait sans doute que les surfaces consacrées à la production de ce type de carburant viendraient en déduction de la surface globale servant à assurer la subsistance alimentaire de la population, et que la disette s’en suivrait inévitablement, mais ce raisonnement, pour sûr, ne tient pas debout.
Car il n’y a rien de plus simple, puisque nos ancêtres distillaient dans leurs alambics l’orge et le mou de raisin pour en faire du Whisky ou du Marc de Bourgogne et que ces produits pouvaient aussi bien chauffer le corps qu’activer le feu, rien de plus simple en somme que de fabriquer des alambics géants au bord des champs de blé pour convertir les récoltes en jus fermenté pour moteurs à explosion. Du coup plus besoin de moteurs électriques et nous pourrions conserver le système à combustion interne ainsi alimenté par de simples macérats. Le cycle serait donc le suivant : un tracteur fonctionnant au jus de betterave fermenté laboure, plante, désherbe, amende et récolte des betteraves qu’il déverse dans une grosse cornue industrielle installée au bord de la plantation. La grosse cornue se met alors en marche et déverse à nouveau du jus de betterave fermenté qui permet au tracteur de recommencer un nouveau cycle. Et ainsi de suite, le mouvement perpétuel étant ainsi installé de façon durable. Cette caricature est à peine forcée tant l’absurdité économique des biocarburants est flagrante. En effet, l’énormité des surfaces cultivables nécessaire au remplacement des millions de tonnes de pétrole quotidiennement absorbés par les véhicules et engins roulants et volants du monde entier rendrait naturellement le reliquat insuffisant pour produire l’alimentation nécessaire à la survie de l’espèce. Cette équation évidente et facilement chiffrable n’est contestée par aucun économiste sérieux et il faut donc raisonnablement aller chercher ailleurs le carburant de l’avenir.
Pour faire face à cette impasse qu’ils cherchent à occulter le plus possible, n’ayant aucun argument plausible à faire valoir, les convaincus de la croissance bénéficient de la complicité des médias et des politiques qui n’abordent jamais le sujet dans son ensemble et réduisent le thème en question à celui de l’ineffable voiture électrique qui, à elle seule et de par la puissance de l’imaginaire qu’elle crée dans l’opinion, dissipe dans l’esprit du grand public les problèmes pourtant bien plus graves de l’avenir du camion, du tracteur agricole, de l’avion et du bateau.
Et quand bien même acculés dans leur réduit idéologique et se voyant brandir sous les yeux les preuves chiffrées de leur mensonge, les hâbleurs durables ne désarment pas, se réfugiant dans la foi scientiste et le rêve énergétique. Le rêve s’appelle bien entendu fée hydrogène utilisant (encore une fois) une vieillerie nommée pile à combustible dont la découverte date de 1839, mais que personne, mis à part Jules Vernes et le Capitaine Nemo, n’ont encore réussi à faire fonctionner de façon opérationnelle.
Cette foi scientiste procède de l’incommensurable vanité qui consiste à considérer l’homme comme étant supérieur à la nature. Cette religion a définitivement installé l’homme en tant que merveilleux producteur de génie et la nature comme simple producteur de ressources, le génie humain étant alors dédié à exploiter les ressources de la nature. Or la réalité est toute autre ! L’homme, représentant d’une espèce éphémère sur la planète, est un animal habile et sans doute le meilleur bricoleur mammifère que la Terre ait connu depuis 4,5 milliards d’années mais certainement pas un génie, terme qu’il faut réserver pour définir les phénomènes cosmiques que le maigre entendement humain n’arrive pas même à comprendre. Une illustration de cette vantardise inouïe pourrait être livrée en prenant l’exemple de l’avion, qui constitue, sans nul doute, la plus belle réalisation de l’homo habilis. L’application de la foi scientiste expliquerait alors que le génie de l’aviation réside dans la conception du turbo réacteur, dans le mode d’assemblage des tronçons, dans l’électronique embarquée, etc.. (bref tout l’attirail humain) et que le kérosène ne représente qu’une banale ressources fournie par la nature.
L’agnostique arriverait, lui, à une conclusion inverse à savoir que la belle quincaillerie existe parce que l’homme a des ressources, mais que le génie de l’affaire, c’est le bel et bien le kérosène en personne fourni par Dame Nature et que sans lui, il n’y aurait pas d’avion !