La production de richesse va décroître, c’est inéluctable. Les machines ne fonctionneront plus, il faudra manier l’outil, au sens propre du terme, c’est à dire « à la main ». Puis l’homme ne sera plus en mesure de produire d’acier ni de le récupérer, ce sera le retour a l’âge de pierre, à une différence près, la somme des connaissances acquises sera énorme mais le savoir faire de base de la survie aura disparu. De nombreux concepts qui font notre gloire d’ êtres évolués vont voler en éclats. Ce sera un changement radical de paradigme. Il est difficile de situer cette évolution dans le temps, nous savons simplement que nous attaquons la descente sans en connaître la pente. Ce qui compte est de savoir vers où nous allons et de nous y préparer, d’où la question : que faire ?
PERSPECTIVES
Le temps
La première question qui vient à l’esprit est : quand cela va-t-il se produire ? Je ne suis pas devin et ne puis évidemment pas répondre à la question. Au vu de la courbe ressources par habitant, en 2050 on devrait avoir à peu près la même quantité de ressources naturelles à exploiter qu’en 1950. La différence est qu’à l’époque, nous n’étions qu’une poignée à nous partager les ressources, demain, il y aura du monde à la porte, les bénéficiaires auront sans doute changé de camp. On peut néanmoins pronostiquer pour les deux décennies qui viennent :
- déclin de l’automobile (déjà amorcé),
- déclin du tourisme (déjà amorcé)
- en conséquence du déclin du tourisme, le déclin de l’aviation (déjà malade).
Par la suite, on sera très vite au niveau du Moyen-âge puis des villages Gaulois. Il faudra sans doute moins de temps pour y arriver qu’il n’en a fallu pour passer de Vercingétorix à De Gaulle.
Décroissance
La production de richesse est évaluée aujourd’hui, à l’aide du PIB. Ce calcul est très imparfait, il n’est basé que sur des critères purement économiques, mais il a le mérite d’exister. La croissance est la mesure de son évolution dans le temps, que l’on espère toujours positive. Quand la valeur est négative, on emploi le mot récession mais en aucun cas le mot décroissance. C’est sans doute parce que derrière le mot récession on entend un simple recul momentané alors que derrière le mot décroissance on entend faire demi-tour. La tendance actuelle, pour éviter de tomber en décroissance, est de promouvoir un nouveau mode de calcul. C’est changer les règles du jeu en cours de partie. Les nouveaux critères d’évaluation de la richesse d’une nation cherchent à prendre en compte les services en ignorant que les services ne peuvent exister que parce qu’il y a excédent du primaire et secondaire, (voir infra la pyramide des secteurs).
De la machine à l’outil
C’est un des principaux points de la vie future : les machines redeviendront d’abord manuelles avant de disparaître et laisser place à l’outil. Celui-ci sera peut-être encore sophistiqué au début, mais comme l’acier disponible viendra de nos poubelles, il deviendra forcément grossier, donc simple.
Fin de la métallurgie
Tout ce que nous connaissons aujourd’hui, tout ce que nous possédons, nous le devons à la métallurgie. Il n’y a pas le moindre petit bout de bois qui n’ait été façonné au couteau, couteau dont la lame est en acier. C’est le matériau qui a permis de fabriquer des outils, des outils pour faire d’autres outils, des machines, des machines pour fabriquer d’autres machines jusqu’à arriver à la sophistication actuelle. C’est quelque part le cœur du système qui s’arrête. La métallurgie industrielle avec pour base la production d’acier par réduction au coke sera définitivement terminée. La production d’acier au charbon de bois demande un savoir-faire aujourd’hui disparu et ne peut produire que quelques pièces de petite taille et de qualité médiocre. De plus, tout le minerai facilement accessible est épuisé. Une fois que l’on aura épuisé le recyclage des ferrailles de l’ère industrielle, dans quelques siècles ou millénaires, il ne restera que la pierre pour façonner des outils. La taille de la pierre devrait être une matière obligatoire à l’école.
Pyramide des secteurs
La pyramide des secteurs qui est passée sur la pointe grâce à l’efficacité de la métallurgie et du pétrole, va se remettre à l’endroit et sur sa base, le secteur primaire. Désolé pour tous ceux (la majorité de la population) qui vivent de et par le secteur tertiaire, qu’ils soient fonctionnaires, assistés sociaux ou humanitaires, artistes et sportifs et bien d’autres encore, leur activité et/ou les moyens dont ils disposent vont fondre comme neige au soleil. Ça tombe bien, il va falloir assurer la nourriture et nous aurons besoin de main d’œuvre dans les champs.
Rappelons-le une fois de plus, il n’y a de services que si les secteurs primaire et secondaire produisent de l’excédent. Si l’excédent vient à diminuer, les services diminuent d’autant. Parmi les services, il y a ceux nécessaires au fonctionnement de la société telle qu’elle est actuellement (sécurité, justice, santé, éducation), ceux de générosité (le social) et le superflu (sport, arts, tourisme). L’ensemble de ces services va se dégrader progressivement, mais il est fort probable que le social et le superflu déclineront plus vite. Les vacances seront écourtées, on ira moins au spectacle et on laissera un peu plus sur le bord du chemin ceux qui n’arrivent pas a suivre.
Que les autres services ne se fassent pas d’illusion, ils suivront !…. Tout particulièrement l’éducation, dont l’intérêt sera fortement remis en question lorsque la préoccupation principale sera de trouver à manger. La santé sera aussi touchée et va vite revenir à ce qu’elle était au début du XXème siècle. Les usines pharmaceutiques seront mortes, il nous restera les remèdes de nos grand-mères.
Fin de l’agriculture intensive
La finalité première de la création de richesses est de répondre au besoin élémentaire de base, se nourrir. Avec la décroissance de production de richesses, l’agriculture intensive va disparaître progressivement pour laisser la place à l’agriculture traditionnelle, à la main et au fumier. Les rendements vont s’effondrer et le problème principal sera : comment nourrir 9 milliards d’individus ?
Si l’on compare la production agricole entre le Sahel et la Beauce, nous voyons que :
- dans le Sahel, un homme peut produire 5 quintaux à l’hectare et cultiver 2 hectares, ce qui donne 10 quintaux par an et par homme,
- dans la Beauce, un homme peut produire 150 quintaux à l’hectare et cultiver plus de 100 hectares, ce qui donne 15 000 quintaux par an et par homme.
Le rapport de production entre la Beauce et le Sahel est donc :
- grâce à l’utilisation des machines : multiplié par 50 (de 2 à 100 hectares par homme),
- grâce à l’utilisation des engrais : multiplié par 30 (de 5 à 150 quintaux par hectare),
- en tout : multiplié par 1 500 pour un homme.
Avec moins de machines agricoles et moins d’engrais, il est évident que la production en quintaux par an et par homme va diminuer. Il y aura besoin de main d’œuvre dans les champs, les chômeurs des villes iront à la campagne. Une grande partie des terres arables aujourd’hui est dépourvue de faune microbienne suite à l’emploi outrancier de produits phytosanitaires. Le retour à l’agriculture naturelle ne pourra se faire que lorsque la faune microbienne sera reconstituée, c’est à dire qu’une grande partie des terres arables d’aujourd’hui ne sera pas opérationnelle demain. Ca réduira d’autant la capacité à produire des ressources naturelles nutritives.
Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises mais répétons-le encore, la démographie suivra la capacité des populations à produire leur nourriture. Autant dire que le nombre des hommes sur terre va chuter fortement.
Et alors ?
A ceux qui sauront vivre près de la nature, il leur restera la terre, les cailloux, la forêt, l’agriculture simple, la pêche, l’élevage, en quelque sorte de quoi vivre. Que demander de plus? Cet avenir est radieux. N’oublions pas que toute activité est polluante. S’il y avait du pétrole et des minerais de façon inépuisable, nous péririons sous la pollution. Comme le bonheur et l’intelligence n’ont pas évolué avec le confort que nous a apporté le monde industriel, c’est sans regret qu’il faut le voir partir. Enfin, nous allons pouvoir nous consacrer à l’essentiel….. VIVRE.
QUE FAIRE ?
Démantèlement
Il convient avant tout de démanteler toute construction et installation dont on sait que l’on ne pourra pas assurer la maintenance. Cela commence évidemment par les installations dont le manque de maintenance ferait courir un risque aux populations alentour, les industries nucléaires et les usines classées Seveso. Ensuite viennent toutes les constructions qui comportent des matériaux résultants de processus industriel et dont la taille nécessite l’emploi de machines (ascenseur, grue, etc…) pour y accéder.
En dehors des zones industrielles, dont chacun comprend bien qu’elles ne seront plus d’aucune utilité et qu’elles risqueront de contaminer l’air, les sols et l’eau, il y a aussi les zones urbaines telles « La Défense ››, dont les bureaux seront quasiment vides (déclin du tertiaire), dont les ascenseurs seront bloqués à jamais et dont on pourrait récupérer des tonnes de verre et d’acier à béton, facilement réductible en petits morceaux pour le travail à la forge. Ceci est un vœu pieux, personne n’acceptera de démanteler le pont de Normandie alors que nous avons encore des ressources naturelles à consommer. Pourtant, un jour, il finira au fond de la Seine.
Exode urbain
Les endroits les plus problématiques seront sans conteste les zones urbaines. Le manque d’entretien des infrastructures et des bâtiments, couplé au manque de nourriture, manque d’eau potable (ne pas oublier que le réseau d’eau potable est un processus industriel), feront que ces zones deviendront invivables. Comme expliqué dans le livre de Jared Diamond, Effondrements, certaines populations refuseront de quitter leurs us et coutumes. Il y a donc fort à parier que de nombreux groupes s’attacheront coûte que coûte à leur banlieue et disparaîtront. Là encore, il s’agit d’un vœu pieux, je vois mal un politique proposer aux jeunes des banlieues d’aller cultiver les pommes de terre en Limousin. Pourtant, il faudra bien y aller un jour.
Les métiers d’avenir
Paysan : Celui qui vit au pays. Celui qui sait par excellence comment subvenir à ses besoins. Il sait cultiver la terre, élever des animaux domestiques, maintenir une maison en état et tisser des fibres. Nous redeviendrons tous des paysans.
Docteur : Parmi les paysans, il en est un qui devrait se distinguer comme le Chaman, il s’agit du Docteur, celui qui sera capable de nous réparer, nous trouverons toujours de l’excédent pour subvenir à ses besoins.
Fabrication d’outils : La tendance ira à l’autarcie. Ce n’est pas très compliqué de subvenir à ses besoins localement, avec les ressources naturelles locales. Les limites commencent à se faire sentir si l’on veut remplacer une vitre. Faire du verre en feuille n’est pas chose aisée. Il est une autre limite, le métal, dont on se sert pour faire les tuyaux (l’eau courante à tous les étages) mais aussi et surtout les outils. Nous l’avons vu, la production d’acier ne pourra se faire qu’avec du charbon de bois et de toute façon, le minerai facile à extraire a disparu. Durant
des siècles, les générations futures devront vivre de nos poubelles et récupérer l’acier un peu partout pour faire des outils. Se sera sans doute une préoccupation majeure.
Agriculture – semences : Le problème principal sera de nourrir les humains sur terre, il va vite falloir arrêter le système de semences industrielles stériles et revenir au système traditionnel de production de semences localement, à partir d’une récolte pour avoir la certitude de pouvoir replanter l’année prochaine. Tout le système actuel, avec ses lois, est à revoir de fond en comble, et vite. Il y a urgence dans la mesure où il faut tout réapprendre.
EPILOGUE
Le système solaire s’est formé il y a environ 4,5 milliards d’années. Il mourra dans environ 5 milliards d’années, la Terre se vaporisera et le Soleil deviendra une géante rouge avant de mourir. Nous sommes donc à peu près à la moitié de la vie de la Terre. Nous sommes également à la moitié de la production pétrolière. On peut donc penser que le temps des ères passées est identique à ce que seront les ères futures. Prenons notre échelle de temps de 24 heures :
- L’homme est apparu 22 secondes avant midi et aura disparu 22 secondes après midi, même pas le temps de sonner deux fois les douze coups.
- L’âge des métaux aura duré 8 centièmes de secondes.
- L’ère industrielle aura duré 5 millièmes de secondes…un flash !
Nous ne rentrerons pas dans le débat sur les bienfaits ou les méfaits de la civilisation et du progrès. Néanmoins nous ne pourrons nous empêcher de poser la question : ou tout cela nous a-t-il conduit ?