Les opposants à l’action citoyenne aiment à nous renvoyer prioritairement un argument qu’ils considèrent comme péremptoire : « si vous n’êtes pas d’accord avec la mairie actuelle, vous n’avez qu’à vous présenter aux élections« . Cette litanie simpliste généralement claironnée sur un air de victoire, outre qu’elle permet, à chaque fois qu’elle nous est adressée, de préciser et d’expliquer encore un peu plus notre position, montre à quel point nos contradicteurs sont formatés par le système ambiant et se révèlent incapables de modifier leur logiciel de pensée. Pour eux, en résumé, hormis les trois semaines de campagnes électorales sexennales, le débat démocratique n’a pas lieu d’être. Pire, certains pensent même qu’il devrait être réprimé, voire interdit tout simplement. En guise d’illustration, un maire local, lors d’une procédure judiciaire en cours auprès du tribunal administratif, a récemment mis en avant ce même type d’argument, accusant les auditeurs citoyens d‘agir en dehors du débat démocratique, au prétexte qu’ils refusaient de se présenter aux élections.
Cela montre à quel point notre travail est difficile compte tenu de la conviction fortement enracinée dans l’esprit commun qu’il n’est pas de débat qui vaille en dehors du traditionnel rendez-vous oligocratique une fois tous les six ans. Mais, en réalité, le mal est plus grave, puisque ce débat tend même à être considéré comme illégitime par les plus ultras zélateurs du système représentatif, ceux-la même qui considèrent que seuls les représentants élus (bien ou mal) ont droit à la parole pour ce qui concerne la gestion de la collectivité, et notamment pour décider en comité restreint de la dépense des fonds publics.
Eh bien non, l’action citoyenne n’est pas un groupe d’opposition au conseil municipal, cherchant à discréditer ses décisions afin de se positionner au mieux pour les élections à venir. L’action citoyenne ne cherche pas le pouvoir, pire, elle n’en veut pas ! Et ceci pour le motif très simple et très logique qu’elle ne reconnaît pas la vertu de ce pouvoir, fondé sur un système oligocratique de désignation des décideurs. Mais attention aux confusions, lorsque nous disons ne pas reconnaître la vertu du système électif, cela ne veut pas dire que nous contestons sa légalité. Car nous sommes légalistes, et même sans doute plus encore que les représentants élus eux-mêmes.
Cette distinction est fondamentale. Elle signifie tout simplement qu’un système qui est légal du point de vue de la juridiction du moment, n’est pas forcément vertueux du point de vue de l’idéal démocratique permanent. Dit autrement, le légal du moment est une chose concrète objective représentée par un corpus législatif donné, alors que la vertu démocratique est une chose abstraite et subjective représenté par une échelle de valeurs humaines universelles. De ce point de vue, nous respectons les dispositions légales du moment et nous ne les contestons pas, car elles sont un état de fait incontournable. Mais nous affirmons néanmoins dans le même temps et de manière très précise que :
- certaines dispositions législatives qui permettent au citoyen ordinaire de s’exprimer et de s’informer ne sont pas respectées par le pouvoir local
- nous entendons faire usage de nos droits citoyens inscrits dans la constitution et dans la loi.
- dans les cas les plus extrêmes de violation de ces lois par le pouvoir local, et notamment dans les cas d’abus de pouvoir, nous entendons les faire respecter par la voie judiciaire
On voit donc que l’action citoyenne ainsi définie est bien loin d’avoir des ambitions électives, puisque sa mission ne consiste qu’à faire respecter les droits des citoyens et à lutter contre les abus de pouvoir. De ce point de vue, peu nous importe que ce soit Monsieur Untel ou Madame Unetelle qui prenne la tête de telle ou telle mairie. Nous n’en faisons pas une une question de personne, car notre rôle est ailleurs : il est de faire valoir la voix citoyenne et le voeu citoyen indépendamment du caractère particulier de cet élu ou de cette élue local(e). Comme une sentinelle de la démocratie locale.