24 novembre 2024

Demain, l’écolonucléarisme

Avant Fukushima, le nucléaire était en passe devenir une véritable épine dans le pied des écologistes, les vouant à la contradiction interne et à la ridiculisation externe. Quarante ans après les rassemblements abolitionnistes de Fessenheim, du Bugey et de Golfech, les nouveaux écolos étaient en train de découvrir, avec des yeux ronds, que les risques d’accidents industriels dans les centrales nucléaires n’étaient pas plus élevés que les autres risques de bugs du système industriel global, et que finalement la catastrophe de Tchernobyl n’était pas forcément plus inacceptable que celles de Bhopal, de Seveso, ou d’AZF. Ils étaient dès alors enclins à commencer de calculer que les coups de grisou quotidiens dans les mines de charbon chinoises témoignaient du caractère statistiquement plus meurtrier de l’extraction du charbon par rapport à la fabrication d’électricité dans les centrales atomiques. Et, pour finir, ils venaient tout juste de se rendre compte que l’énergie nucléaire n’étant pas émettrice de gaz à effet de serre, se replaçait du coup en tête des énergies recevables du point de vue de l’épouvantail CO2, lui même devenu ennemi écologique n°1 depuis quelques années au point d’éclipser toutes les autres menaces environnementales.

Définitivement acquis au dogme envahissant du lobby réchauffiste mondial, les écologistes, tout leaders, militants et sympathisants confondus, étaient en voie d’abandonner totalement leur traditionnelle hystérie anti-nucléaire, à tel enseigne que l’ex-future candidate d’ Europe Ecologie, Eva Joly, ne parlait plus, à cette époque, de sortir du nucléaire et avait inscrit à son pré-programme la mesure suivante : «on conserve les centrales actuelles, et on verra plus tard si on en construit d’autres ou pas». C’était à la fois comique et lamentable, mais cela avait au moins le mérite d’être clair et honnête. Candidate gadget fabriquée par Dany le Rouge pour contrer Nicolas Hulot, elle jouait le nucléaire profil bas face au chouchou des foules, mais lui-même instrument médiatique d’activistes plus instruits, dont Jean Marc Jancovici, chantre technocrate de l’écologie atomique.

Mais la partie semblait perdue d’avance pour Bendit, qui se contrefichait et se contrefiche toujours du nucléaire ou pas, mais tenait à préserver son leadership politique d’autant que l’approximative Duflot faisait les yeux doux au gendre idéal. Heureusement vint Fukushima pour sauver sur le fil un combat mal parti pour l’ex-anarchiste du 22 mars. En effet, Malgré sa conversion au jeu de la girouette, tous les efforts de revirement de Monsieur Hulot furent plombés un à un par l’intransigeance de ses véritables commanditaires neutrodépendants. Le plus éminents d’entre eux, toujours le même polytechnicien JM Jancovici, écrivait froidement dans un article intitulé « La main invisible de la radioactivité » publié dans Le Figaro du 3 avril 2011, c’est-à-dire moins d’un mois après la catastrophe japonaise : « …les accidents dans les mines de charbon font plus de 5000 morts par an, rendant la production électrique à base de charbon considérablement plus meurtrière que celle issue de l’atome, même en tenant compte des accidents comme Tchernobyl…. Le tabac et les voitures, tous deux en vente libre, tuent chaque année dans le monde l’équivalent d’une grande ville ou d’une région française…. Manger trop gras et trop sucré tue prématurément des centaines de milliers d’américains tous les ans, et même rester chez soi est dangereux : environ 10.000 décès par an sont dus aux accidents domestiques dans notre pays…. Une hôtesse de l’air qui prend 200 vols long courrier par an approchera aussi de la dose maximale admise pour les travailleurs du nucléaire, et une personne qui passe un scanner corps entier peut largement la dépasser …… L’absence d’élément inflammable dans le cœur des réacteurs concernés (contrairement à Tchernobyl), et l’évacuation précoce des populations (contrairement à Tchernobyl), rendent peu probable que Fukushima change significativement le bilan humain – bien assez lourd comme cela – du tsunami, même si la situation empire encore sur le site. En quoi cela serait-il indécent d’en prendre acte ? »..

Aïe ! Avec ça, il était difficile pour Hulot de faire passer la pilule du ralliement de la onzième heure et au hit parade des Grandes Peurs, l’hiver nucléaire battit à plate couture la canicule carbonique. D’un certain point de vue, c’est bien dommage parce que la nouvelle donne ainsi recréée entretient encore plus, depuis l’éviction de Hulot, la confusion au sein de la mouvance verte, alors qu’une ligne jancovicienne victorieuse, via fantoche Hulot, aurait eu le mérite d’abattre clairement les cartes du jeu écolo-nucléaire. Au lieu de cela, nos charlatans continuent d’avancer masqués en mentant outrageusement sur leurs convictions profondes et attendent patiemment que le souvenir de Fukushima soit suffisamment estompé dans l’opinion publique. Sachant que toutes les études de marketing politique s’accordent à dire que le potentiel d’oubli par l’inconscient collectif des masses est inversement proportionnel au taux de relais médiatique de l’évènement considéré, à savoir que dans le cas où un fait marquant cesse d’être diffusé le niveau d’oubli est très élevé, et que le délai peut être estimé à un an à peine pour un évènement majeur qui aurait disparu durablement de la une des principaux médias. Ce délai étant  largement dépassé, on comprend dès lors pourquoi et comment les écopoliticologistes ont pu revenir paisiblement à leurs véritables amours.

Les séquelles internes de la claque électorale d’Eva Joly, additionnée à un silence nippon rassurant aménage déjà les conditions d’un retour en force du tandem Hulot/Jancovici, la seule difficulté résidant dans le fait de d’occulter les positions anti-nucléaires prises in-extremis par le premier. La tâche, toutefois, ne devrait pas être trop ardue, car le second a pris la peine de conserver – en coulisse – une ligne ferme tandis que le premier fautait légèrement – sur le devant de la scène – par excès de pragmatisme politique. Le spectacle collait trop à la peau du saltimbanque pour qu’il fût judicieusement guidé vers le politiquement raisonnable, mais le phénomène d’oubli précité le rétablira sans doute sans trop de peine dans ses fonctions médiatiques, ce qui semble d’ailleurs déjà fait puisqu’il est désormais redevenu l’interlocuteur privilégié des grands organes de diffusion de l’information. Encore un petit peu de patience, et ce sera le retour en force de la politique écolo-nucléaire provisoirement mise sous le boisseau…. 

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